Il y a mille ans, Fulbert fut nommé
évêque de Chartres par le roi Robert le Pieux. Nous ne
savons rien de ses -origines. Il naquit sans doute vers 970 en Italie
ou en Picardie, on en discute encore. De même nous ne savons pas
où ce remarquable professeur et grand savant fit ses études.
Il n’a certainement pas été l’élève
de Gerbert de Reims comme on le prétendait autrefois. Ce n’est
qu’en 1004 que nous le voyons -installé à Chartres
comme diacre et écolâtre.
C’est grâce à sa correspondance et aux témoignages
de ses élèves que nous connaissons bien la culture et
l’enseignement de Fulbert. Adelman de Liège dit qu’en
son maître revivent également Hippocrate, Pythagore et
Socrate.
Fulbert en effet a trouvé à Chartres matière à
apprendre la médecine. Il discute de géométrie
avec un autre élève, Ragimbold, écrit un poème
sur le -comput, c’est-à-dire le calcul, et s’intéresse
à la musique. Il est enfin « le vénérable
Socrate qui dirige l’Académie de Chartres » comme
l’appelle Adelman. Non seulement il a une bonne culture -littéraire
mais il a -étudié la logique. Un des manuscrits de Chartres
(n° 100), qui date de son époque, se -présente comme
un florilège d’œuvres de dialectique (Cicéron,
Boèce, Gerbert) et contient même son poème sur la
différence entre rhétorique et dialectique.
Ce qui fait la différence entre Fulbert et Gerbert de Reims,
c’est que l’évêque de Chartres est également
savant dans les sciences religieuses. Ses domaines privilégiés
sont les sacrements de baptême et d’eucharistie, la Vierge
Marie (cinq sermons sur neuf lui sont consacrés) et le mystère
de la Trinité. Dans ses trois traités « contre les
Juifs » il démontre sans polémiquer les erreurs
de ces derniers concernant le Christ et le Saint Esprit.
Après la mort de Fulbert, son disciple Adelman de Liège
écrivit un poème abécédaire pour présenter
tous les disciples de l’évêque. Les plus célèbres
sont Hildegaire qui alla à Poitiers puis devint écolâtre
à Chartres en 1024, Bernard d’Angers qui, installé
à Conques, écrivit les « Miracles de sainte Foy
»
et Bérenger de Tours, qui avait trop retenu les leçons
de dialectique et, voulant appliquer des concepts rationnels au mystère
de l’eucharistie, fut accusé -d’hérésie.
Ajoutons des clercs liégeois et un certain Bonipert qui devint
évêque de Pecs en Hongrie.
La réputation de Fulbert fut telle que le roi Robert le Pieux,
fils d’Hugues Capet, le nomma évêque de Chartres
en 1006. Fulbert fut sacré par son métropolitain Liery
de Sens. Pendant tout son épiscopat, Fulbert voulut apporter
son aide et son avis à la vie politique et religieuse du royaume
: « Si vous voulez-traiter de la justice, de la paix, de l’état
du royaume, vous me trouverez toujours prêt, moi, petit satellite,
à venir en aide dans la mesure de mes forces », écrit-il
en 1008 au roi Robert. Quand il le fallait, Fulbert s’opposait
au roi à propos d’élections irrégulières
d’évêques car, partisan de la réforme de l’Église,
il voulut combattre la simonie, c’est-à-dire l’achat
ou la vente des charges épiscopales, et le nicolaïsme, c’est-à-dire
le mariage des clercs.
Il joua un rôle de conseiller auprès du roi, du comte de
Chartres, Eudes, et d’autres grands seigneurs féodaux,
tel Guillaume V duc d’Aquitaine. À ce -dernier, il envoya
en 1020 une lettre (n° 51) restée célèbre,
dans laquelle il définissait les devoirs du vassal. Ce texte
est toujours cité par les historiens de la société
féodale.
Fulbert fut en excellentes relations avec deux abbés de son temps
Abbon de Fleury1 et Odilon de Cluny. Au premier, il demanda alors qu’il
n’était que diacre d’intervenir dans l’élection
irrégulière de l’abbé de Saint-Père-en-Vallée.
C’est la lettre n° 1, adressée à « l’abbé
vénéré » et « au grand philosophe »
qu’était Abbon de Fleury (Saint-Benoît-sur-Loire).
De la fin de son épiscopat datent les lettres à Odilon
de Cluny « l’archange des moines » engagé,
lui aussi, dans une réforme nécessaire de l’Église.
Dans la nuit du 7 au 8 septembre 1020, la cathédrale de Chartres
brûle entièrement. Fulbert décide de la reconstruire.
Il fait appel à la générosité du comte Eudes,
mais aussi de Richard de Normandie, de Guillaume d’Aquitaine et
même du roi Cnut de Danemark qui règne sur l’Angleterre.
En 1024, la -cathédrale est reconstruite. Il en reste l’actuelle
église basse, du moins dans sa partie orientale, qui présente
des chapelles et un déambulatoire, solution -architecturale nouvelle
pour l’époque.
Musicien, Fulbert composa des hymnes, dont l’un consacré
à la paix, et développa la liturgie mariale. C’est
dans son église consacrée à la Vierge qu’il
organisa les cérémonies liturgiques et prêcha au
peuple de Chartres. C’est -Fulbert que l’on voit dans un
manuscrit du XIe siècle devant la nouvelle cathédrale
au milieu d’hommes, de femmes et d’enfants.
Fulbert mourut le 10 avril 1028 et fut enterré dans le monastère
de Saint-Père-en-Vallée.
À côté de Gerbert d’Aurillac, mort pape sous
le nom de Sylvestre II en 1000, et d’Abbon de Fleury mort l’année
suivante, Fulbert est une des grandes figures de la chrétienté
du début du XIe siècle. Il sera par la suite vénéré
comme un saint.