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Tuesday, July 31, 2007

Derrida on Artaud

bought an old issue of magazine littéraire on Artaud in Paris last summer, which included an interview with Derrida (was trying to translate & found myself writing 'a movement of identificatory projection', the head is not clever):

Si j'essaie de me rappeler la première fois que le nom d'Artaud a résonné pour moi, ce fut sans doute à travers une lecture de Blanchot qui renvoyait à la Correpondance avec Jacques Rivière. J'ai lu alors ces lettres d'Artaud et, par un mouvement de projection identificatoire, je me suis trouvé en sympathie avec cet homme qui disait qu'il n'avait rien à dire, que rien ne lui était dicté en quelque sorte, alors que pourtant l'habitaient la passion, la pulsion de l'écriture et sans doute déjà de la mise en scène. Che,in faisant -- et là je parle du temps long, des années, des décennies aue on suivi --, j'ai dû toujours chercher à penser ce que cette experience du "ne rien avoir à dire" avant d'écrire avait d'essentiel pour toute écriture. ...

Pourquoi donc cette identification de jeunesse à Artaud? J'ai commencé dans mon adolescence (elle a duré longtemps, jusqu'à trente-deux ans..., à vouloir passionnément écrire, sans écrire, avec ce sentiment de vide : je sais qu'il faut que j'écrive, que je veux écrire, que j'ai à écrire, mais au fond, je n'ai rien à dire que ne commence à ressembler à quelque chose qui a déjà été dit. Quand j'avais quinze ans, seize ans, je me rappelle, j'avais ce sentiment d'être protéiforme -- c'est un mot que j'ai découvert chez Gide, et qui me plaisait beaucoup. Je pouvais prendre n'importe quelle forme, écrire sur n'importe quel ton dont je savais que jamais ce n'était vraiment le mien ; je répondais à ce qu'on attendait de moi ou bien je me retrouvais dans le miroir que me tendait l'autre. Je me disais : je peux tout écrire et donc je ne peux rien écrire. C'est là que se creusait ce vide que je croyais reconnaître chez Artaud. Comme si je le disais : au fond je ne suis rien, je peux être n'importe qui, je peux prendre telle ou telle posture et donc quelle est ma voie (ma voix)? ... Et encore maintenant, avant chaque texte que j'écris, mutatis mutandis, c'est le même blanc, le même désespoir, le même sentiment d'impouvoir -- "j'arriverai jamais..." -- ; même pour des choses très modestes, quatre pages.

magazine littéraire, No. 434, Septembre 2004